Voilà, un petit truc pas très construit.
En fait, un chef d'oeuvre, en littérature (c'est ce qui m'intéresse ici), c'est un livre qui ne se démode pas. Vu qu'il a été écrit à une époque donnée, s'il ne se démode pas c'est qu'on peut toujours en tirer quelque chose. Quelque chose de nouveau. On peut en faire plein d'interprétation.
Prenons par exemple Don Quichotte (oui, il se peut qu'il revienne, il m'a mit sur un certain nombre de piste, justement parce qu'il met le doigt sur plusieurs choses, dont certaines intéressantes...) : on peut l'interpréter comme une critique des romans de chevalerie, une dénonciation de l'idéalisme, une réflexion sur comment concilier réel et utopie, une histoire distrayante, une remise en cause de la certitude concernant le réel, je sais pas quoi encore, une apologie de la différence, une réflexion sur les manières de concevoir le monde et leurs incidences morales (dans l'action donc), etc...
Alors que vous prenez un livre par exemple de philo, ça tient beaucoup moins les ans.
Certes, on lit encore Kant ou même Platon. M'enfin, dans ce qu'ils racontent, entre ce qui nous semble évident et ce qui nous semble peu pertinent... certains même vieillisent plutôt mal (ceux ou justement on ne voit plus d'évidence...)... chais pas je vois Descartes... (je parle pas de Malebranche, Julianos tu peux confirmer je pense...
).
Parce qu'ils essayent d'être le plus clair. Ils disent ce qu'ils ont à dire. Ils ont une idée et ils veulent l'argumenter, la porter à notre jugement direct.
Le chef-d'oeuvre, le roman non. Peut-être que l'auteur a pensé à tout ça, peut-être que non, mais au fond on s'en fiche. Je vois, si j'arrive à lire plein de choses intéressantes dans DQ, c'est de mon fait, je sais que ce n'est pas le cas pour tout le monde. Et les réflexions, l'auteur me file des pistes peut-être (encore, celle que je veux bien voir), mais c'est moi qui fait le boulot.
Au fond, il n'y a rien dans un tel bouquin que ce qu'on y apporte.
C'est un peu facile d'un côté...
Alors est-ce que ça sert à rien ?
Ben je crois que ça rejoint quelque chose que je me suis dit il y a peu sur les matières scolaires, notemment les maths : y a pleins de jeunes qui disent que "ça, ça sert à rien, j'en aurais pas besoin plus tard".
Mais ça entraîne en fait. Comme le gadget de Nintendo. C'est une habitude de réflexion. Une rigueur dans le raisonnement, une ouverture d'esprit, des capacités de synthèse, bref, plein de choses bien utiles...
Ah oui, autre chose, rien à voir :
En fait, le romancier c'est un gars qui fait un raisonnement en circuit fermé.
Il part d'une manière de voir le monde, il fonde un monde sur ce postulat, et son bouquin après c'est un peu (vous voyez, c'est comme ça que ça se passe).
C'est un peu comme si La Fontaine voulais prouver que "rien ne sert de courir, il faut partir à point" avec la fable du lièvre et de la tortue : il a écrit la fable sur cette morale, pas l'inverse. (bon la question ne se pose pas là le but de La Fontaine n'est pas de prouver sa morale mais de l'illustrer, ce n'est qu'une analogie).
Par exemple, si un gars écrit un bouquin pour critiquer les idéalistes, il concluera l'histoire "vous voyez, faut pas être idéaliste" (peut-être pas aussi littéralement notez
). Mais toute lapsychologie de ses personnages, toutes les actions de l'intrigue, tout aura été monté sur ce prérequis.
C'est dire "si A, alors A".
C'est l'erreur classique en maths.
Si je suppose 2=3
Je peux enlever 1 des deux côtés sans changer l'égalité
1=2
Je peux ajouter 1 des deux côtés sans changer l'égalité
2=3
Donc je viens de prouver 2=3...
Ben le roman c'est ça... (évidemment, le but n'est pas toujours de présenter une manière de voir le monde comme juste, n'empêche...)