Incroyable ! Proprement renversant ! En tout cas pour ma part.
Bon je vais essayer de faire ordonné. Commencons par quelques définitions pour planter le décor nécessaire à cette étrange représentation (hum...)
Prenez la droite des réels.
La droite des réels, c'est un axe qui représente tous les nombres réels, par exemple "7" ; "67,32" ; "456/24987" ; "exp(29)" , "pi" ; "racine de 37" j'en passe et des meilleurs.
Qu'est-ce qu'une proposition "presque certaine" ? C'est une propriété que vérifie tous les réels moins un ensemble négligeable. (ceci étant une définition rigoureuse)
Ensuite, qu'est-ce qu'un ensemble négligeable ?
C'est un ensemble de nombre (donc de points de la droite) que l'on peut faire tenir dans une réunion d'intervalle de longueur totale aussi petite que l'on veut.
Exemple :
Un point est un ensemble négligeable :
Je peux donner la longueur L que je veux, le point A (le nombre A donc) sera toujours dedans, même si L est tout tout petit.
Un ensemble fini de point est négligeable :
Je peux prendre le L que je veux, les points seront toujours dedans, et L/3 + L/3 + L/3 = L
(les matheux penseront avec n points)
Mais par exemple un segment n'est pas négligeable :
Même en le découpant en plusieurs petits segment, la longueur totale sera toujours supérieure ou égale à la distance AB.
Plus étonnnat : l'ensemble des entiers, c'est-à-dire 1, 2, 3... 56, 57, 58 etc... et -1, -2 etc... est négligeable.
En effet, prenons par exemple 1 : on l'entoure d'un intervalle de longueur L/2. On entoure ensuite 2 d'un intervalle L/4, puis 3 de L/8, etc... (pour un matheux, on entoure n d'un intervalle de longueur L/(2^n) )
C'est toujours possible puisque chaque entier est un point isolé.
Et si on regarde vers quoi tend la somme L/2 + L/4 + L/8 + ... à l'infini, un dessin vaut peu-être mieux qu'un discours (sinon c'est la somme des termes d'une suite géométrique de raison 1/2) :
On voit bien que ça tend vers 1. Donc en procédant ainsi j'englobe l'ensemble infini des entiers dans une réunion d'intervalles de longueur totale L aussi petit que je veux (si on veut les entiers relatifs, on divise toutes longueurs par deux).
L'ensemble des rationels (tout les nombres de la forme p/q, avec p et q des entiers) qui est pourtant dense dans l'ensemble des réels (c'est-à-dire que si vous prenez deux points, n'importe lesquels, sur la droite des réels, ben entre les deux il y a forcément un rationel) est lui-même négligeable.
Me souvient plus vraiment de la démo. Ca doit être qu'il est dénombrable, c'est-à-dire qu'on peut associer à chaque rationnel un entier (il existe une bijection de Q dans Z pour les matheux) (genre O->O, 1->1, 1/2->2, 2-> 3, etc...), et comme l'ensemble des entiers est négligeable...
Mais bon là ne réside pas le troublant.
Définissons deux autres notions :
Un nombre normal est un nombre qui, dans son expression, comporte autant de chaque chiffre (par exemple, 1234567890).
Enfin, c'est bien mieux même, il comporte autant de chaque chiffre, autant de doublet (11, 00, etc...), de triplet, etc...
Un nombre univers est un nombre qui, dans son expression, comporte toutes les combinaisons possibles de chiffres ! (ex dans une base 2, c'est-à-dire en binaire : 0, 1, 00, 01, 10, 11, 000 etc... jusqu'à 1110010100101011110101001001 et au delà).
Je suis en train de me demander si un nombre normal est toujours univers, je crois que oui... enfin bon...
exemple d'un nombre qu'on suppose normal par construction : 0,123456789101112131415... etc...
D'abord première chose étonnante pour les matheux (non prouvée, mais intuitée et vérifiée jusqu'ici expérimentalement), un monde normal dans une base donnée est normal dans n'importe quelle base.
Maintenant, Levée du voile :
Les nombres non normaux sont négligeables !
Explicitons un peu plus : si l'on prend tous les nombres qui ne vérifie pas ces propriétés, on peut les enfermer dans une réunion d'intervalle de longueur totale aussi petite que l'on veut...
C'est-à-dire, vous prenez votre droite des réels qui s'étend à l'infini, et avec un bout de sparadra de 5 cm que vous coupez en petit bout, vous pouvez recouvrir tous ces nombres.
Cela veut dire que si vous prenez un nombre réels, il est presque certain qu'il sera normal.
Dans le sens où son expression comporte exactement autant de 1 que de 2, autant de 0000 que de 9999, etc... et je cois aussi que c'est un nombre univers c'est-à-dire que quelque soit la séquence de chiffre que vous vouliez, celle-ci apparaît à un moment dans le nombre.
Et pourtant... la plupart des nombres que l'on manipule font partis des "exceptions", de cette fange négligeable de nombre.Pour tout dire quasiment tous.
En fait, le paradoxe c'est qu'on a jamais réussi à expliciter un nombre normal... alors qu'un nombre au hasard l'est presque certainement ! (pour ce qui est du 0,12345 je crois que ce n'est pas prouver).
On a regarder expérimentalement des nombres comme "racine de 2", "pi" ou "exponentiel 1" et il semble que, sur je ne sais combien de décimal, ça marche.
Mais bon, c'est quand même incroyable !
Enfin je trouve. Désolé pour ceux qui ne goûtent pas la profondeur que cette incroyable révélation pour moi (je crois que ça date de 1909 quand même), mais enfin, c'est un peu comme si on pointait du doigt le ciment des nombres, le liant, la matière même des nombres.
Il y a une infinité d'entiers. Mais entre deux entiers il y a une infinité de rationnels.
N'empêche que tout ça est rempli par des nombres normaux qui paraissent quand même vachement spécifiques mais en fait sont les plus banals des nombres.
Ca me fait penser à Hyperion, avec "L'espace qui lie", c'est-à-dire cet espace et ce temps de l'infiniment petit, en-dessous des constantes de Planck (c'est-à-dire le seuil sous lequel on ne peut exprimer précisément un temps ou une position - et ça n'est pas de la fiction), c'est-à-dire l'inssaisisable et en même temps omniprésent (Dan Simmons en fait la demeure des dieux).
Ca me fait aussi penser au rapport entre le rayon du noyau d'un atome, du noyau d'un électron, et du rayon de l'atome totale, qui fait que l'atome est une sorte de tête d'épingle autour duquel tourne à des kilomètres un grain de sable, avec entre les deux, pour nous, que du vide. Nous ne sommes donc que du vide.
Enfin bon, je trouve que ça vous aére l'esprit de considérer tout ça...