Je dois t'avouer que ça fait bien 5mn que ton objection m'a lancé dans une reflexion (tout en jouant avec les piles sur la table
) avant que je me dise 'tiens on va poster
Je pense que je comprend d'où viens ta distinction entre travailleur et capitaliste, et que tu l'entends dans un sens marxiste, où la différence est entre celui qui possède le capital, et qui va l'investir/utiliser afin de produire des commodités qui servent à leur tour à obtenir un capital plus important (C-M-C') tandis que le travailleur ne possède que sa force de travail qu'il va louer au capitaliste (également conceptualisable sous la forme de temps de travail) afin d'en tirer un bénéfice pour survivre.
J'ai fait assez de politique/philosphie/sociologie pour comprendre les concepts, et en meme temps, lorsque tu as émis cette objection, je me suis dit "tiens?". En effet, là où tu vois une rupture, j'avais mis une continuité dans les différentes formes de travail. Il était donc légitime que je m'interroge sur le pourquoi.
En commençant un peu à creuser j'en suis venu à me demander si c'était encore une distinction qui était pertinente dans le monde actuel. En effet, le capital n'est plus détenu de façon individuel ou familiale (comme l'a pu l'etre celui de Renault ou Krupps) mais au contraire est diffus. Il provient de fortunes privées, certes, et dans ce sens là la distinction prend tout son sens; mais aussi d'organismes. Il provient de fond d'investissements (ou de pensions), de groupes d'assurances, de banques, de banques d'investissement, c'est à dire qu'il n'appartient pas à une personne physique mais une personne légale, qui est en fait une collectivité. Mais cette collectivité tire son argent d'une somme d'individus, qui le placent à leur Crédit Agricole locale, qui vont voir un agent pour essayer de le faire fructifier, ou qui désirent "jouer en bourse", ou simplement s'assurer. Dans ce cas, la propriété de l'argent est d'une certaine façon retraçable jusqu'a des sommes d'individus. Cependant, ces individus là sont souvent aussi des gens qui travaillent, qui vendent leur savoir faire, leur expertise, leur force physique ou intellectuelle à un employeur. On s'aperçoit donc à ce moment là que ça coince un peu. D'autant plus que les professions que citées precedemment ne sont en fait que des gestionnaires, ce ne sont pas des gens qui possèdent l'argent qu'ils utilisent ou gèrent, mais des "travailleurs" qui vendent leur temps de travail et leur expertise à une entité qui les paye.
A ce point là, je m'aperçois donc que la distinction n'est plus necessairement très pertinente, d'autant plus si l'on ajoute les professions dites libérales (medecin, avocat) ou meme simplement les commerçants ou les indépendants... d'ailleurs je m'aperçois que tu m'as pas quoté sur le medecin urgentiste. (J'avoue que je ne suis pas très familier avec tous les néo-Marxistes, je connais bien Gramsci mais l'hégémonie aide pas trop ici, et Adorno et Horkheimer j'ai lu que les médias et la standardisation de la culture
)
Je pense donc que ma compréhension a été fourvoyée par les termes "chargés" et qu'au lieu de les lire en termes marxistes liés à des relations de production, il aurait fallu que je les entende dans un sens plus usuel lié à des conditions sociales. Auquel cas "travailleur" ferait plus référence à quelqu'un ayant un salaire et un niveau de vie peu élevé, et "capitaliste" à un salaire et un niveau de vie élevé. C'est à dire qu'il faudrait que je les lise en terme de classe et non, en terme de relations, au sens ou travailleur serait venu remplacer ouvrier dans une société tertiarisé...
Dans ce cas là, effectivement, tu as tout à fait raison, il y a une différence entre les deux, et on peu meme rajouter le medecin urgentiste avec eux.
Mais aussi dans ce cas je m'interroge sur la pertinence de cette distinction quant au mérite en rapport avec le travail (qui était le sujet initial), et plus précisement en terme de rapport de la pénibilité et du salaire/considération. Mais si l'ont prend "travailleur" dans un sens de status/classe et non en un sens de relations, dans ce cas on va parler d'état final (outcome aaarg j'ai pas le français au secours) et non de processus, on va parler de ce qui est en tant que status, et non en tant que récompense (hum je m'exprime mal...je suppose que ça aide pas si je dis qu'on va parler d'ontologies et pas de dynamiques... on va regarder l'impact et pas la trajectoire quoi !)
Dans ce cas, n'est-il pas plus pertinent de parler de "travailleur au travail pénible"? le terme est mal aisé, mais je pense qu'il capture assez bien l'idée: on parle de gens qui ont des moyens faibles, malgré leur travail pénible, et mets bien le doigt sur l'inégalité.
Bon je crois que je suis parti dans du blabla de fou dingue, mais ça fait du bien (
) et puis j'espère que ça a le mérite de clarifier ce que j'ai compris de ce qu'a voulu dire Emma (hésite pas à balancer les fulguropoints si je me plante
)
Qu'est ce qu'on peut en tirer de là?
Que d'un coté on peut parler du travail, de sa pénibilité, et de l'autre on a le résultat: cependant il serait vain de les séparer vu qu'ils sont liés.
En meme temps, tous les travaux pénibles ne sont pas mal payés et mal considérés (souvent parcequ'ils se doublent de ce qu'on pourrait appeler un "capital symbolique" (cf Bourdieu) mais aussi parcequ'ils sont dans des crénaux beaucoup plus faibles) et d'autres travaux pénibles et mal considérés et mal payés (les techniciens EDF sur les pylones dehors par tous temps par exemple), et d'autres aussi mal payés mais peu pénibles (la SNCF qui touche la prime du charbon? arheum..).
La catégorie où le bât blesse est justement celle des travaux pénibles mal considérés- je pense que c'est ce que voulais dire Emma par "travailleurs".
La raison tient sans doute à une question de compétition (il est plus facile de devenir electricien que chirurgien ou analyste, et de meme il a plus des premiers que des derniers), à une question de status social où les métiers manuels sont moins bien considérés dans nos sociétés (dévalorisation des filières pros, etc, alors que justement a besoin de ces gens là !). Ceci dit, est ce que ça s'arrete juste aux métiers manuels? je pense qu'un certains nombres de métiers de services (entretien par exemple) peuvent aussi rentrer dans cette catégorie. De fait l'explication ne tient que partiellement. Il y aussi une question de capital symbolique, acquis à travers les études et le diplome qui confère souvent un certain status. Apres, un certain nombre d'explications plus spécifiques peuvent etre avancées, quant au risque, à la prise de décision, la complexité de la tâche, etc.
Ainsi, on peut avancer plusieurs raisons pour expliquer cette situation.
Je commence à fatiguer donc je concluerais cette mini dissertation pensée libre foutoir immonde
en posant cette piste de reflexion:
Justement, quel meilleur moyen que de redonner du status - et donc de la considération, et donc aussi du salaire- aux
travailleurs qu'en revalorisant le travail?